– Dr Antoine Courban a abordĂ© le sujet de Michel Chiha lâhumaniste
– Dr Claude Doumet Serhal a fait une prĂ©sentation « intime » de Michel Chiha
– Dr Nabil KhalifĂ© a fait une intervention en arabe sur Chiha, lâhomme politique
– Mr Michael Young a prĂ©sentĂ© Chiha et le problĂšme de la Palestine
– Enfin Mr Michel Hajji Georgiou a parlĂ© des leçons Ă tirer de Michel Chiha
Speakers:
La confĂ©rence sâest tenue le 26 novembre 2012 Ă 18h Ă lâauditorium Riad El Solh, au CollĂšge Saint-GrĂ©goire.
Une exposition a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e par les Ă©lĂšves du collĂšge, portant sur Michel Chiha et lâindĂ©pendance du Liban.
Les interventions ont été suivies par une table ronde entre les intervenants.
Les élÚves du CollÚge Saint Grégoire ont mis en scÚne des poÚmes de Chiha et présenté une danse et un chant final.
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Michel Chiha : un humaniste célébré au CollÚge Saint-Grégoire
LâOrient-Le Jour
BĂ©chara MAROUN | 27/11/2012.
Une cĂ©rĂ©monie a Ă©tĂ© organisĂ©e hier au CollĂšge Saint-GrĂ©goire dâAchrafieh en hommage Ă Michel Chiha, Ă©clairant plus dâune facette de cette personnalitĂ© dont les idĂ©es ont profondĂ©ment marquĂ© la fondation de la ligne politique et Ă©conomique du Liban moderne.
« Le Liban vit de la liberté et mourrait sans elle » M. Chiha.
Le CollĂšge Saint-GrĂ©goire (CSG) a Ă©tabli une heureuse tradition pour fĂȘter lâindĂ©pendance du Liban : celle dâhonorer chaque annĂ©e une des figures politiques du pays. Hier, Michel Chiha Ă©tait Ă lâhonneur lors dâune cĂ©rĂ©monie organisĂ©e par le CSG, le Centre sportif, culturel et social du CollĂšge Notre-Dame de Jamhour (26/11/2012), et la Fondation Michel Chiha, en prĂ©sence notamment de lâancien ministre et ex-gouverneur de la Banque centrale, Michel el-Khoury, et de lâancien dĂ©putĂ© Samir FrangiĂ©. AprĂšs un mot de bienvenue du pĂšre Bruno Sion, recteur du CollĂšge Notre-Dame de Jamhour et du CSG, et de Christiane TuĂ©ni, directeur dĂ©lĂ©guĂ© du CSG, et aprĂšs une mise en scĂšne de poĂšmes et de rĂ©flexions de Michel Chiha par les Ă©lĂšves du collĂšge, une table ronde sâest tenue autour du thĂšme « Michel Chiha, un homme du Liban », modĂ©rĂ©e par Antoine Courban, chef du dĂ©partement de mĂ©decine et humanitĂ©s Ă lâUSJ.
Claude Serhal, petite-fille de Michel Chiha, Nabil KhalifĂ©, professeur universitaire ayant traduit des ouvrages de Michel Chiha, Michael Young, journaliste, chroniqueur et auteur, et notre collĂšgue Michel Hajji Georgiou ont prĂ©sentĂ© tour Ă tour un aspect diffĂ©rent de ce journaliste, poĂšte, humaniste, banquier et homme politique quâĂ©tait Michel Chiha.
Courban, Serhal et Khalifé
« Je nâai pas connu personnellement Michel Chiha, a dĂ©clarĂ© Antoine Courban. Ma rencontre avec lui est une rencontre dâoutre-tombe, grĂące Ă mon ami le professeur Jean Salem qui venait fidĂšlement Ă ma maison. Durant quelques heures, nous avions lâhabitude de pratiquer cet art de la conversation sur les sujets qui, en permanence, prĂ©occupent lâhumaniste : le sens dâune certaine vision du monde et de lâhomme. Michel Chiha Ă©tait invariablement prĂ©sent avec nous en esprit. En humanisme, trouver la rĂ©ponse Ă la problĂ©matique suivante demeure un fondement : lâhomme est-il le sujet ou lâobjet de lâhistoire ? Lâhumanisme anthropocentrique, axĂ© sur un humain dĂ©tachĂ© de tout face Ă lâego divin, fait face Ă lâhumanisme dit thĂ©ocentrique qui est entiĂšrement centrĂ© sur Dieu en dehors duquel lâhomme ne peut ĂȘtre ni vu ni conçu. En dĂ©pit de sa fidĂ©litĂ© Ă la synthĂšse scolastique, Chiha hĂ©site Ă engager pleinement son humanisme sur cette voie. »
De son cĂŽtĂ©, Claude Serhal tente de faire une prĂ©sentation « intime » de Michel Chiha. « AprĂšs la mort de ma grand-mĂšre Marguerite, dit-elle, jâai enfin Ă©tĂ© autorisĂ©e Ă pĂ©nĂ©trer la bibliothĂšque de Michel Chiha. Jây ai passĂ© des jours et des semaines Ă lire ses correspondances, ses essais sur la Constitution du pays et jâai compris lâimportance de la transmission de cet hĂ©ritage. Tout y Ă©tait : les premiĂšres correspondances avec le Vatican, lâĂ©tablissement du systĂšme financier libanais, le danger de la dĂ©claration de lâĂtat dâIsraĂ«l, les rapports difficiles avec une Syrie trop gourmande… Aujourdâhui, cette deuxiĂšme gĂ©nĂ©ration que je reprĂ©sente nâest pas seulement la famille, câest la famille qui avance sur le sillon dĂ©jĂ tracĂ© par Michel Chiha. »
Pour Nabil KhalifĂ©, « Chiha Ă©tait un homme politique par excellence, qui nâavait pour but quâun homme libanais libre dans une nation libanaise libre ». « En considĂ©rant la naissance du Grand-Liban et lâarticle 57 de la Constitution, stipulant le serment de fidĂ©litĂ© du prĂ©sident de la RĂ©publique Ă la nation libanaise, comme les deux Ă©lĂ©ments les plus importants de la vie politique libanaise, cela devient clair, a ajoutĂ© M. KhalifĂ©. La cause du Liban Ă©tait sa passion, et il a su dĂ©fendre la nation libanaise en affirmant que ce pays nâest pas, contrairement Ă ce que lâon dit, un pont entre Orient et Occident, mais plutĂŽt un axe central au rĂŽle dynamique. »
Young et Hajji Georgiou
Dâautre part, Michael Young a abordĂ© le sujet de « Chiha et le problĂšme de la Palestine ». « Ce sujet est lâun des sujets-phares de Chiha, a-t-il indiquĂ©. En relisant ses articles, on remarque combien cet homme rationnel, cartĂ©sien et libĂ©ral savait saisir la valeur du symbolique. Pour lui, la Palestine Ă©tait lâantithĂšse du pacte libanais, qui incarnait la coexistence entre les diffĂ©rentes parties. MalgrĂ© le fait quâil ait Ă©tĂ© le plus dĂ©rangĂ© par la volontĂ© dâexpansion des juifs, Michel Chiha a quand mĂȘme une perception paradoxale dâeux. Il ne veut pas les mettre Ă la mer et il sâoppose Ă lâantisĂ©mitisme, mais sa position Ă leur Ă©gard nâest pas vraiment nuancĂ©e (…). Dâautre part, Chiha nâaborde pas le problĂšme des rĂ©fugiĂ©s palestiniens, mais il voit loin dans le conflit en affirmant que nous verrons des jours apocalyptiques quand lâĂtat dâIsraĂ«l aura absorbĂ© encore un nouveau million de juifs. »
Enfin, câest Michel Hajji Georgiou qui clĂŽture le dĂ©bat. « Michel Chiha reste Ă©minemment dâactualitĂ©, un demi-siĂšcle plus tard, souligne-t-il. Ses mises en garde contre les dĂ©rives politiques et sociĂ©tales, contre les idĂ©ologies totalitaires, la dĂ©magogie, le populisme, la censure idiote et les censeurs pervers, la massification et la mentalitĂ© suiviste, le confessionnalisme, la marginalisation, la dĂ©rive autoritariste du pouvoir, le lĂ©galisme imbĂ©cile, la bureaucratie, la corruption, la mutilation du patrimoine architectural, culturel et linguistique, la servitude volontaire, lâaventurisme aveugle, lâanarchie, la violence â tout cela continue de rĂ©sonner parfaitement â et malheureusement â juste. Plus que jamais, mĂȘme. »
« Il tient le langage dâune sorte de gardien galactique qui prĂ©side aux choses du temps, capable de sâĂ©lever au-delĂ des contingences spatiotemporelles, poursuit Michel Hajji Georgiou. Mais la question se pose : si Chiha avait vu juste, le Liban est-il condamnĂ© Ă un Ă©ternel recommencement des mĂȘmes erreurs ? LĂ se trouve une autre leçon Ă tirer de Michel Chiha : un peuple qui ignore son histoire et son passĂ© nâa pas dâavenir. Ce nâest pas pour rien que le pari de Chiha est sur la culture, et plus prĂ©cisĂ©ment sur lâĂ©ducation. »
Et Michel Hajji Georgiou dâajouter : « Je mâavance, dans ce cadre, Ă poser la grande question du livre dâhistoire, alors que nous savons combien les pays mal intentionnĂ©s Ă lâĂ©gard du Liban se livrent continuellement, avec des appuis locaux, Ă une rĂ©Ă©criture permanente de lâhistoire du pays. Par ailleurs, de lâĆuvre de Chiha, il est possible de tirer une sorte de tablette virtuelle de principes gĂ©nĂ©raux qui pourraient rĂ©sumer en quelque sorte lâĂąme libanaise : la recherche de lâentente et de la meilleure reprĂ©sentativitĂ©, toujours sous les cimes de la libertĂ©, pour prĂ©server la pĂ©rennitĂ© et la paix, et pour ĂȘtre fidĂšle Ă la vocation historique et culturelle du Liban souverain et indĂ©pendant. »
Et Michel Hajji Georgiou de conclure : « Câest pourquoi, pour citer Michel Chiha, lâĂȘtre libanais est aujourdâhui plus que jamais en â Ă©tat de rĂ©sistance â culturelle, une rĂ©sistance que chacun poursuit Ă sa façon, en faisant la promotion de la libertĂ© contre lâasservissement, de la modĂ©ration contre les boutefeux, du courage contre la lĂąchetĂ©, de la paix contre la violence, et de lâindividu contre les hordes barbares. Oui, une rĂ©sistance : en attendant de pouvoir enfin, un jour, parler dâĂ©volution. »